A cause de son relief accidenté et de son sol fait en
pierres, vivre à Matadi revient à conjuguer au quotidien ces trois
verbes : monter, descendre et … transpirer ! Mais qui dit Matadi
(province du Bas-Congo, en RD Congo) fait d’abord penser à son port.
J’ai passé dix ans à arpenter le parc de ce port de
long en large, que ce soit pour y décharger ou embarquer des containers, soit
pour le règlement des frais des armements ou ceux de manutention des
marchandises à l’import ou l’export, soit encore pour procéder aux formalités
d’accostage des navires à leur arrivée.
On rencontre un peu de tout au port: des
déclarants-faussaires qui trimbalent les factures forgées de toutes pièces et dont ils vous jurent
qu’elles sont authentiques ; des douaniers dont le salaire dépasse à peine
celui d’un modeste enseignant, mais qui roulent dans des Mercedes-Benz
climatisées et se sont bâtis des maisons dans les quartiers les plus huppés de
la ville.
Oui, dans ce haut-lieu de corruption, vous ne manquerez
pas de croiser un membre de famille ou une "relation" d’un ministre flanqué du garde-corps en tenue
militaire - histoire d’intimider les douaniers ou d’autres personnes impliquées
dans le dédouanement – et muni des documents lui délivrés depuis Kinshasa en
vue d’obtenir une exonération des frais de douane. Vous y verrez sans doute
aussi des vedettes de la chanson congolaise venues assister en personne au
dédouanement de la voiture qu’elles ne vont pas tarder à exhiber dans les rues
de Kinshasa.
Mais la rencontre que je ne vous souhaite pas de faire,
c’est celle des "Bana-Mayi",
ces bandits qui se sont fait une spécialité de ne dérober que les marchandises
débarquées des navires. Une fois leur forfait accompli, ils n’hésitent pas à se
jeter à l’eau avec, convaincus que personne n’oserait braver le courant du
Fleuve Congo pour récupérer son bien !
Avec ces navires qui vont et viennent d’Occident ou
d’ailleurs, le désir "d’aller aussi
en Europe" est plus fort ici que jamais. Comme partout en Afrique, l’Europe
est perçue ici comme le seul moyen de briser les chaines de pauvreté.
Aussi, des clandestins à bord des bateaux de haute mer
est une autre catégorie de personnes qui fréquentent ce lieu. Qu’on les appelle
sur place "Klando" ou à bord des navires "stowaway", cela ne change rien : il s’agit de ces jeunes
ou moins jeunes qui se faufilent subrepticement sur les navires en quête d’une
meilleure vie en Occident. Ils
embarquent soit de leur propre chef, soit en connivence avec la complicité de
certains marins auxquels ils ont remis des billets verts, entre 1000 et
3000$ !
Pour avoir longtemps travaillé sur les navires de haute
mer, je sais qu’un clandestin est une "espèce"
indésirable aux yeux des commandants des bateaux. Si à l’arrivée du bateau en
Europe un clandestin est trouvé à bord, il revient au navire sur lequel il a
été trouvé de payer tous les frais de rapatriement dans son pays d’origine, y
compris les amendes éventuelles. Il le prendra également en charge (frais
d’hôtel et de restauration) jusqu’à son départ.
Les propriétaires des navires, pour leur part, font
porter le chapeau au commandant du navire, pour négligence … ou complicité. Certains
capitaines ont été tout simplement licenciés par leur employeur pour cause de
clandestins. Pas étonnant d’entendre des rapports des "clandestins jetés à bâbord en pleine mer par
les marins". Fait étonnant, danger ou pas, les candidats au départ ne
diminuent pas pour autant. Au contraire.
Pour ce qui est des représentants des navires (les
agences maritimes), des trésors d’ingéniosité sont déployés pour décourager les
candidats au départ. L’une des responsabilités qui furent les miennes y étaient
liées : veiller à "nettoyer"
le bateau de tous les clandestins. Une demi-heure avant le départ du navire, c’est
une course-poursuite qui s’engageait entre les shipping agents et les
clandestins ! Je ne suis pas prêt d’oublier ce jeu du chat et de la souris auquel je me
suis livré un jour …
Sous une pluie fine, je me suis rendu sur le navire
"M/V Dafnis", un cargo long
de 140 mètres battant pavillon Libérien, venu décharger depuis environ trois
semaines une cargaison d’environ 40 000T de farine de froment pour le compte de
CongoFutur, un importateur libanais.
(A SUIVRE)
(A SUIVRE)
Je n'ai jamais ete a Matadi ni a son port, bien sur. Voila que grace a toi, j'en ai une idee. J'ai vivement envie de lire la partie suivante car je sens que cela va etre interessant. Merci de nous raconter ces histoires qui jettent un regard sur notre pays.
RépondreSupprimerPauline Muadi