Un trajet d’à peine quelques
centaines de mètres, le voilà devenu un parcours de combattant. Un véritable
saut d’obstacles. A la suite d’une abondante pluie qui vient de s’abattre sur
la capitale congolaise, les nombreux quartiers de Kinshasa étaient inondés.
L’avenue Cotonnier du quartier Kauka ne fait pas exception. Pour la
circonstance, elle devenait "lac cotonnier" comme l’avaient surnommée
ironiquement ses habitants.
Aujourd’hui les marchands des
beignets et d’arachides grillées, les tables des vendeurs de crédit de
téléphone ou des chikwange qui la
peuplent d’habitude l’ont désertée. Ils ont troqué leur place aux flots.
Quoique chaussé des bottes en caoutchouc,
rien n’y fait. Paul avait à peine posé les pieds dans " le lac " que
la boue qui lui arrivait jusqu’aux mollets l’empêchait d’avancer. Comme un
funambule, il marchait avec précaution, sans trop savoir si son prochain pas
aller atterrir dans un trou ou sur un probable câble électrique cassé par la
violence du vent qui a précédé la pluie et gisant sous les eaux. Dire que c’est
à un kilomètre seulement du Rond-Point Victoire, Place la plus célébrée par les
chanteurs congolais !
" Et si Yolande te voyait
ainsi, hein ? " s’interrogea-t-il lui-même, songeant à la réaction qu’aurait
eu sa femme lorsqu’elle le verrait marchant péniblement dans ces eaux sales qui
charriaient sachets, bouteilles en plastique et feuilles d’arbres. Mais il
chassa aussitôt l’idée de son esprit. Comme si l’idée venait d’une tierce
personne, il réagit, disant :
" tu n’as quand même pas bataillé ferme pour obtenir d’aller voler au
secours de la mère du jeune garçon et, avant même d’y être arrivé, faire
demi-tour à cause des intempéries ! "
Plus il avançait, plus son admiration
pour le courage presqu’héroïque du jeune enfant
qui a bravé le courant jusqu’à atteindre sa maison grandissait. "
Comment a-t-il pu tenir jusqu’à venir chez-moi ? Comment a-t-il pu ?"
se demandait Paul.
Au terme d’un peu plus d’un quart
d’heure, il sortit de Cotonnier Street pour s’engager sur une ruelle en terre battue qui menait d’habitude chez
les Bofunda. Mais ce n’était plus la voie sablonneuse qu’il connaissait. Devant
Paul s’étalait plutôt une rivière de circonstance que traversait un pont fait
des planches de récupération! La
profondeur sous le pont était d’une dizaine de mètre.
Il prit son courage en main et s’engagea
sur le pont. C’est alors qu’il entendit une voix derrière lui.
" Payez
d’abord !"Il se retourna et vit un jeune homme dans la vingtaine sous
un parapluie tenu par un autre jeune. Dans sa main gauche il avait des liasses
de billets d’argent et dans sa droite, une tige qui exhalait des veloutes de
fumée. A sentir l’odeur, ce n’était pas une vulgaire cigarette. C’était le "bangi",
chambre indien en Lingala.
"Mais je ne vais pas loin,
c’est juste là-bas que je vais ; juste là-bas." dit-il en indiquant
une maison aux tôles rouges située à une vingtaine de mètres. L’autre ne parut
pas impressionné.
" Je ne vous interdis pas
d’aller où vous voulez", dit-il. " Mais quant à traverser notre pont,
vous devez payer. " Son ton était
sans appel. D’ailleurs avait-il parlé qu’il se détournait de lui pour s’adresser
à un autre "passager". Aussi Paul comprit qu’il ne pouvait rien
attendre d’un homme intoxiqué. Il tira de sa poche un billet qu’il lui proposa.
" Non, pas 500 Francs. C’est
1000 FC. Ajoutez 500 et je vous fais passer. Autrement, vous passerez à la nage.
" Le ton était sans appel. Le jeune homme ne tendit même pas la main pour
prendre ce qu’il lui offrait. Derrière Paul, quatre ou cinq personnes
attendaient qu’il ait fini pour traverser à leur tour. Ils tenaient chacun un
billet de 1000FC en mains. Sans être vraiment en file indienne, ils étaient
derrière-lui, groupés.
" Si vous ne voulez pas
passer, laissez-moi la place ! " Un des hommes derrière lui tendit un
billet de 1000 Francs que le jeune homme empocha aussitôt et deux garçons qui
en barraient l’accès s’écartèrent pour le faire passer. Il marcha en équilibriste
sur le pont de fortune jusqu’au bout. Vint le tour de Paul.
" OK, prenez". Il lui
tendit deux billets de 500. Le jeune homme empocha aussitôt et fit signe à ses
amis pour qu’ils ouvrent la voie pour lui. Mais avant de traverser, il dit au
receveur du "péage" : "C’est mieux quand même ce que vous
faites que d’aller voler dans les maisons des voisins". Un billet de 1000 FC
changea des mains et il traversa, sans que le jeune homme lui réponde, comme s’il
était sur une autre planète.
Hésitant d’abord, il s’arma de
courage et finit, au prix d’efforts, à traverser le pont dont les planches balançaient
, mais elles ne plièrent pas jusqu’ à ce qu’il atteignit l’autre rive.
Greetings from Lagos, via a visit to the wonderful Darsketches blog.
RépondreSupprimerWith no French, can only look @ your photographs. I guess that rain is what I can expect here in Lagos in a few months time.
Cheers, ic
Thanks iancochrane for your visit. Actually, to grasp what this blog is about you may use the "translate" option found below.
SupprimerNice time in Lagos!
CongoleseStories