Il est des silences qui font parler. Que cet ancien proche
du Marechal Mobutu soit devenu aphone depuis la disparition de son
mentor alors qu’il se trouve dans la fleur de l’âge et respire la santé est
pour le moins inquiétant. Cet effacement de VTP est-il dû au fait qu’il n’était
au fond qu’un de ces nombreux " politiciens d’ordonnance " qui
peuplent le paysage politique congolais, ceux dont l’ascension et nombreux
privilèges ne proviennent qu’à des décrets-lois ou parachutage politique plutôt
qu’à un mandat électif ? A moins que cette "disparition" ne soit
imputable à la personnalité haute en couleur de ce professeur d’université peu
ordinaire : un esprit pointu mais un brin mégalomane !
Qu’il fut un politicien pas comme les autres, VTP l’a démontré à maintes
reprises en défrayant la chronique. C’est à lui que l’on doit des fracassantes
déclarations telles " Au Zaïre [Congo] la seule chose qui marche, c’est la
sécurité ! ", ce qui lui valut un long passage à vide et, peu avant
le début de la Conférence Nationale Souveraine (CNS), en 1991-1992 , il y
alla par son " On va éventrer le boa ", repris par beaucoup,
depuis. Mais c’est lui qui fut accusé par Nsinga Odjwu de " s’être battu
contre Nzuzi wa Mbombo " à la suite d’un différend ! Nommé ministre de l’intérieur,
il se fit tailler une canne pareille à celle du maréchal qu’il brandissait
(comme l’ex Président-Fondateur) pour prendre le bain des foules ! D’ailleurs,
un incident survenu une trentaine d’années plus tôt sur les Cités
universitaires de Lubumbashi en dit plus long encore sur l’homme.
Tirer leçon de l’histoire. Même si l’Histoire
n’est pas un éternel recommencement, il est des faits passés dont nous
gagnerions à tirer profit. L’un de ceux-ci n’est autre qu’éviter de prendre
d’importantes décisions sous le coup de l’émotion, qu’elle s’exprime sous forme
de joie extrême ou de furie. Puisqu’elle est par essence éphémère et
troublante, ce n’est qu’après coup, lorsqu’elle s’est estompée que nous
revenons à la raison. Le plus souvent pour constater que le mal était déjà
fait.
La Bible relate (Mathieu 14:1-12) un événement ayant lieu au Ier Siècle
de notre ère impliquant Hérode, un homme politique de l’époque, lors de son
anniversaire de naissance. Celui-ci, fortement enchante que la fille
d’Hérodiade (femme de son frère Philippe qu’il prit pourtant pour femme, ce qui
lui valut les reproches de Jean le baptiseur qui fut mis en taule pour ce crime
de lèse-majesté) ait réjoui ses convives par ses pas de danse, fit le serment
de lui " donner tout ce qu’elle demanderait ". La jeune fille, après
avoir consulté sa mère (laquelle gardait une dent contre Jean), lui dit de
" donner sur un plat la tête de Jean le baptiseur ". Pris au dépourvu
et à contre cœur, il fit exécuter le serviteur de Dieu rien que pour tenir sa
promesse !
Plus près de nous, c’est feu Laurent Désiré Kabila qui en fit l’amère
expérience. Fortement ému par " la vigilance et le patriotisme " des
habitants des communes de Kingasani et Ndjili, lesquels contribuèrent en partie
à l’échec de la prise de Kinshasa par les rebelles de RCD en août 1998, le chef
de l’Etat leur promit l’exemption des frais d’eau et d’électricité en signe de
reconnaissance. Mais seulement voilà : ses conseillers lui ayant expliqué
les conséquences dramatiques d’une telle mesure sur les entreprises concernées
(Rigides et SNEL), la promesse présidentielle resta lettre morte… Mais quelle
relation cela a-t-il avec VTP ?
Les adieux aux Kassapards. Ce jour d’octobre 1983-1984 s’annonce comme une belle journée
ensoleillée. L’amphithéâtre de la Faculté de Polytechnique est archicomble et
en effervescence. Les autorités académiques et politiques et militaires de la
province sont sur leur trente-et-un. Et pour cause : il s’agit des adieux
à l’ancien Vice-recteur VTP nommé récemment Vice-Premier ministre et ministre
de l’intérieur! Qu’une personnalité issue de l’institution
d’enseignement locale soit nommé à une si haute responsabilité apparait à
beaucoup comme une reconnaissance du savoir-faire local par les autorités
nationales. Nombreux sont ceux qui espèrent que la désormais deuxième personnalité
du gouvernement devienne leur "fidèle interprète" dans la capitale où
il œuvrera désormais. Chacun y va de son " félicitations monsieur le
ministre ! " au digne représentant du Campus de Lubumbashi. L’hôte du jour
pour sa part jubile et n’arrête pas de sourire devant cet enthousiasme général.
Soudain les yeux de M. Vunduawe s’arrêtent sur un homme âgé, court
et très effacé, assis dans l’auditoire, face à lui. Il s’agit du professeur
Mwabila de la Faculté de Sociologie. L’illustre visiteur ne peut se retenir
tant il est au courant d’une nouvelle qui ne manquerait pas de le réjouir. Il
l’interpelle alors et s’adressant à lui, il déclare, non sans une fausse
modestie : " Monsieur le professeur, récemment j’ai été dans un
certain bureau à Kinshasa où j’ai aperçu un décret-loi vous nommant DG de
l’Institut supérieur des Etudes Sociales (ISES) de la place dans un signataire
". Tonnerre d’applaudissements dans la salle. Alors l’intéressé se leva et
dans la pure tradition japonaise s’inclina devant VTP, reconnaissant. Soudain,
il devient apparent que tout le monde est conquis par la baraka du tout nouveau
ministre de l’intérieur. "N’est-il pas de la tribu Ngbandi, comme le
Maréchal?" supputent les étudiants. D’autres s’imaginent promus à leur
tour. Ceux qui avaient de bonnes relations avec lui s’attendent, eux, à un
retour d’ascenseur, au nom du principe contenu dans la célèbre chanson de
Jacques Brassens " les amis d’abord ".
Quelques jours plus tard, le professeur Mwabila, sans se faire
prier, prit ses quartiers à l’ISES. Mais … l’ordonnance précitée ne fut jamais
signée ! Aux dires de certains, les membres de l’ANR présents dans la salle
informèrent qui de droit et VTP, lequel n’avait pas que d’amis en haut lieu,
appris à ses dépens qu’il " ne faut jamais vendre la peau de l’ours avant
de l’avoir tué ". Quant au Professeur, bien sûr qu’il retourna à
l’Université, toute honte bue…
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